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Clairvaux

Hymne du mépris des vanités du monde de Saint-Bernard

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Apparition de la Sainte-Vierge à Saint-Bernard

Filippino Lippi (1486)

Église Badia Fiorentina

 

 

Hymne du mépris des vanités du monde

Saint Bernard de Clairvaux

 

Ô vanité étonnante ! Ô lamentable amour des richesses ! Ah venin amer ! Pourquoi infectes-tu tant d'âmes, en rendant cher ce qui passe plus vite que la flamme d'un feu d'étoupe ?

Homme misérable, réfléchis donc ; la mort arrête tous les humains. Qu'est-il dès le principe, celui qui ne connaît pas encore le trépas ? La créature ignore quand viendra le moment de sa fin ; celui qui vit aujourd'hui sera peut-être livré demain à la pourriture.

J'admire que, pensant à la mort, on puisse se réjouir ; le genre humain est tellement livré à la mort, qu'il ne sait quel chemin chacun suit après son départ ; aussi un gage tient à son propre sujet ce langage.

Quand je pense à la mort, je suis triste et je pleure ; il est certain que je mourrai, j'en ignore le jour ; ce qui m'échappe aussi, c'est le choeur auquel je serai uni ; je supplie le Seigneur de me placer dans la société des saints.

Pourquoi le monde combat-il sous l'étendard de la vaine gloire ? Sa prospérité passe bien vite, sa puissance se brise aussi rapidement que l'oeuvre du potier, que le vase fait d'une argile fragile.

Ayez plus de confiance dans les lettres tracées sur la vitre qu'à l'apparence trompeuse de ce monde malheureux ; ses récompenses ne satisfont jamais, il n'a de la vertu que l’apparence, jamais il n'eut un jour qui pût inspirer la confiance.

Mieux vaut croire là hommes véridiques que se fier aux prospérités misérables de ce monde, à ses songes vains et à ses vanités, à ses goûts trompeurs et à ses voluptés.

Dites-moi, où est Salomon, autrefois si brillant ? Que sont devenus Samson, ce chef invincible, le bel Abraham, au visage éclatant de beauté, et le doux Jonathas, autrefois si amiable ?

Où s'en sont allés César, si élevé en pouvoir, le riche fameux, avec ses splendides festins, Tullius, avec son éloquence, Aristote, avec son puissant génie ?

Toutes ces illustrations, toutes ces grandeurs, tous ces chefs, tous ces empires célèbres, tous ces princes, toute cette puissance, tout est tombé en un clin d'oeil.

Quelle fête rapide que cette gloire du monde ! Les joies sont comme l'ombre de l'homme, elles dérobent toujours les récompenses éternelles et jettent les humains dans les plus durs écarts.

Nature de vices ! Ô tas de poussière ! Ô vaine rosée, pourquoi t'élever ainsi ? Tu sais si demain tu seras en vie ? Fais du bien à tous, tant que tu le pourras.

Cette gloire de la chair, si fort estimée, les saintes Écritures l'appellent la fleur de l'herbe ; c'est une feuille légère qu'enlève le vent. Voilà comment la vie de l'homme est arrachée à la lumière.

N'appelez pas vôtre ce que vous pouvez perdre ; ce que le monde vous donne, il entend le ravir ; pensez aux biens d'en haut, que votre coeur soit dans le ciel, heureux qui a pu mépriser le monde.

Homme, dis-moi pourquoi tu abuses de la grâce du discernement, pourquoi tu abandonnes le chemin de la vie, et tu diriges tes pas vers les supplices ? Au salut tu préfères l'oisiveté, et ce qui est vil à ce qui est précieux. La crainte du châtiment ne t'émeut jamais ; l'espoir du salut ne t'ébranle point, ne te porte point à la recherche des joies suprêmes. Dis-moi, ô homme, pourquoi tu abuses du don de discrétion ?

Considère ce que vaut la gloire du monde que tu embrasses avec tant d'ardeur, bien des indices te montrent que tu te trompes à plaisir ; tu te mets à la poursuite d'un monde qui te fuit, il tombe, tu tombes avec lui ; tu poursuis des choses qui passent. Voilà comment l'oreille bouchée, tu passes outre les dons qui restent. Homme, dis-moi pourquoi tu abuses du don du discernement ?

Certainement, tu n'es point excusable pour faire comme si tu ne savais point cela, car si tu t'échappes par ce moyen, il te reste ta conscience qui ne tait point les choses secrètes ; et tu ne pourras éviter le jugement de Dieu ; et si tu es convaincu, ta sentence de mort est assurée. Dis-moi, ô homme, pourquoi tu abuses du don de discernement ?

Ne compte point sur le pardon, si ta pénitence est tardive. Le jour est arrêté, si tu ne le préviens par des œuvres ; si tu ne purifies tes souillures, la misère fondra sur toi, sans nulle miséricorde, et tu seras à jamais avec les réprouvés. Dis-moi, ô homme, pourquoi tu abuses du don de discernement ?

Considère donc que lorsque tu paraîtras en présence du juge, il te traitera selon tes oeuvres. Que tes vices ne te fassent point perdre la glorieuse patrie. Si tu te présentes sans tache, tu auras part aux joies éternelles avec les justes. Dis-moi, ô homme, pourquoi tu abuses du don de discernement ?

Ô longanimité et trop longue patience du Christ ! Ô surprenante bonté et miséricorde excessive ! Ô endurcissement du coeur, et vol rapide de la mort ! Pourquoi diffères-tu, pourquoi ne réfléchis-tu pas ? Examine donc quelle est la brièveté de la vie, quel fut notre premier état.

Vanité des vanités, ô soucis abondants, pourquoi ambitionner les dignités, pourquoi entasser les trésors ? Où aboutit cet amas ; de quoi sert la cupidité ? Si le dehors du sépulcre est éclatant de blancheur, le dedans n'est que pourriture. Méditez et considérez ce que nous fûmes d'abord.

Combien cruelle est la mort, et combien grand l'effroi qu'elle cause ! Lorsqu'elle sépare de tout, de quoi servent la joie et les plaisirs ? Que demandes-tu maintenant en retour de la vie ? Ô cruel souvenir ! Que la méditation examine quel fut notre premier état.

Ô esclave, que penses-tu quand tu comparais au tribunal ? Ô puissante et cruelle accusation de l'ennemi ! Ô douleur et confusion ! Ô horreur et ténèbres ! Ô éternité des châtiments ! Ô incendies dévorants ! Que notre méditation examine ce que nous fûmes d'abord.

Ô homme, pourquoi ne te hâtes-tu point d'obtenir le séjour de l'immuable félicité, le séjour d'où la terreur est bannie, où règne l'éternelle allégresse, où se trouvent les saints dans une félicité parfaite et dans la vision de Dieu. Que notre méditation examine ce que nous fûmes d'abord.

Ô homme, puisque tu n'es que terre et que boue infecte, pourquoi t'élèves-tu ? Vois ce que tu es, ce que tu seras. Aujourd'hui fleur, et demain cendre.

L'âme, en croissant, ou plutôt en décroissant, l'entraîne vers le néant. Pareille à l'ombre qui décline, la vie s'élève, se hâte et s'éteint derrière le trépas.

Homme, ton nom vient d'humus ; tu passes vite parce que tu ressembles à la fumée. Jamais tu ne gardes le même état dans le mouvement de la vie qui coule et l'entraîne.

Ô triste sort ! Ô dure destinée ! Ô loi cruelle, que la nature a portée sur de pauvres malheureux ! Naissant dans le chagrin, tu traînes, ô homme, la vie avec fatigue, et tu meurs dans la crainte.

Aussi, puisque tu connais ta condition, pourquoi poursuis-tu les voluptés charnelles ? Souviens-toi que tu mourras et que, après ton trépas, tu récolteras ce que tu auras semé.

Tu foules la terre, tu portes la terre, et tu retourneras au sein de la terre, dont tu as été tiré. Regarde ce que tu es et ce que tu seras ; fleur aujourd'hui, demain tu seras cendre et poussière.

 

 

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