Divine Miséricorde by Patrick ROBLES
Soeur Lucie ("Irmã Lúcia") en 1946 avec
Dom José Alves Correia da Silva, Evêque de Leiria
Vision de l’enfer de Sœur Lucie de Fatima
2. Vision de l’enfer
Le secret comprend trois choses distinctes, et j’en dévoilerai deux (4). La première fut la vision de l’Enfer (5). Notre Dame nous montra une grande mer de feu, qui paraissait se trouver sous la terre et, plongés dans ce feu, les démons et les âmes, comme s’ils étaient des braises transparentes, noires ou bronzées, avec une forme humaine. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes, qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée.
Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles retombent dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, avec des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. Les démons se distinguaient par leurs formes horribles et dégoûtantes d’animaux épouvantables et inconnus, mais transparents et noirs.
Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre bonne Mère du Ciel, qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au Ciel. S’il n’en avait pas été ainsi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur.
Ensuite nous levâmes les yeux vers Notre Dame qui nous dit avec bonté et tristesse :
– Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé (6). Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes seront sauvées et on aura la paix. La guerre va se terminer (7). Mais si on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI (8) en commencera une autre plus grande. Lorsque vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe (9) que Dieu vous donne, qu’Il va punir le monde de ses crimes par le moyen de la guerre, de la faim et des persécutions contre l’Eglise et le Saint-Père. Pour empêcher cette guerre, je viendrai demander (10) la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. Si l’on répond à mes demandes, la Russie se convertira et on aura la paix ; sinon, elle répandra ses erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Eglise. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties.
A la fin mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie (11), qui se convertira et il sera concédé au monde un certain temps de paix (12).
3. Forte impression sur Jacinthe
Excellence, je vous ai déjà dit, dans les notes que je vous ai envoyées, après avoir lu le livre sur Jacinthe, qu’elle était très impressionnée par certaines choses révélées dans le secret. Il en était réellement ainsi.
La vision de l’enfer l’avait horrifiée à un tel point que toutes les pénitences et les mortifications lui semblaient être insuffisantes pour arriver à préserver quelques âmes de l’enfer.
Et bien, maintenant, je vais déjà répondre à la seconde question qui m’a été adressée de plusieurs côtés.
Comment se fait-il que Jacinthe, si petite, ait pu être possédée d’un tel esprit de mortification et de pénitence ?
Il me semble que ce fut, d’abord, par une grâce spéciale que Dieu a voulu lui accorder par l’intermédiaire du Cœur Immaculé de Marie, mais aussi, parce qu’elle a vu l’enfer et le malheur des âmes qui y tombent.
Certaines personnes, même pieuses, n’aiment pas parler aux enfants de l’enfer, afin de ne pas les effrayer. Mais Dieu n’a pas hésité à le montrer à trois enfants, dont l’une avait à peine six ans et Il savait bien qu’elle en serait horrifiée, au point de se consumer de frayeur, j’ose le dire.
Jacinthe s’asseyait souvent par terre ou sur quelque pierre, et pensive, commençait à dire :
– Oh l’enfer ! Oh l’enfer ! Que j’ai pitié des âmes qui vont en enfer ! Et les personnes qui sont là, vivantes, à brûler comme du bois dans le feu !
Et, à demi tremblante, elle s’agenouillait, les mains jointes, pour réciter la prière que Notre Dame nous avait apprise :
– O mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer, conduisez au Paradis toutes les âmes surtout celles qui en ont le plus besoin.
Maintenant, Votre Excellence comprendra pourquoi j’ai conservé l’impression que les dernières paroles de cette prière se rapportent aux âmes qui se trouvent dans un plus grand ou plus imminent danger de damnation. Et Jacinthe demeurait ainsi pendant longtemps agenouillée, répétant la même prière. De temps en temps, elle m’appelait ou appelait son frère (comme si elle s’éveillait d’un songe) :
– François, François, vous priez avec moi ? Il faut beaucoup prier pour sauver les âmes de l’enfer ! Il y en a tant qui vont là-bas ! tant !
D’autres fois, elle demandait :
– Comment se fait-il que Notre Dame ne montre pas l’enfer aux pécheurs ? S’ils le voyaient, ils ne pécheraient plus, pour ne pas y aller. Tu dois dire à cette Dame de montrer l’enfer à tous ces gens (elle voulait parler de ceux qui se trouvaient à la Cova da Iria au moment de l’Apparition). Tu verras qu’ils se convertiront !
Après, un peu mécontente, elle me demandait :
– Pourquoi n’as-tu pas dit à Notre Dame de montrer l’enfer à ces gens ?
– J’ai oublié, répondais-je.
– Moi aussi, j’ai oublié ! disait-elle d’un air triste.
Quelquefois, elle demandait encore :
– Quels péchés ces gens commettent-ils pour aller en enfer ?
– Je ne sais pas. Peut-être le péché de ne pas aller à la messe le dimanche, de voler, de dire de vilaines paroles, de maudire, de jurer.
– Et ainsi, pour une seule parole, ils vont en enfer ?
– Oui, car c’est un péché.
– Qu’est-ce que cela leur coûterait de se taire et d’aller à la messe ! Quelle pitié me font les pécheurs ! Ah! si je pouvais leur montrer l’enfer !
Quelquefois, soudainement, elle s’accrochait à moi et disait :
– Je vais aller au Ciel. Mais toi qui vas rester ici, si Notre Dame le permet, dis à tous ces gens comment est l’enfer, afin qu’ils ne commettent plus de péchés et qu’ils n’y aillent pas.
D’autres fois, après avoir réfléchi un moment, elle disait :
– Tant de monde qui tombe en enfer ! Tant de monde en enfer !
Afin de la rassurer, je lui disais :
– N’aie pas peur ! Tu iras au Ciel.
– Oui j’irai, disait-elle paisiblement, mais je voudrais que tous ces gens y aillent aussi !
Lorsque, par mortification, elle ne voulait pas manger, je lui disais :
– Jacinthe, allons, mange maintenant.
– Non ! J’offre ce sacrifice pour les pécheurs qui mangent trop.
Quand, déjà malade, elle allait à la messe un jour de semaine, je lui disais :
– Jacinthe, ne viens pas, tu n’en as pas la force ; aujourd’hui ce n’est pas dimanche.
– Peu importe, j’y vais pour les pécheurs qui n’y vont même pas le dimanche.
S’il lui arrivait d’entendre une de ces paroles trop libres que certaines personnes se font gloire de prononcer, elle se couvrait la figure de ses mains et disait :
– Ô mon Dieu ! ces gens ne savent donc pas qu’en disant ces choses, ils risquent d’aller en enfer ? Pardonnez-leur, mon Jésus, et convertissez-les. Certainement, ils ne savent pas que cela offense Dieu. Quelle pitié, mon Jésus ! Je prie pour eux.
Et elle répétait alors la prière enseignée par Notre Dame : « Ô mon Jésus, pardonnez-nous, etc... »
4. Regard rétrospectif de Lucie
Ici, Excellence, il me vient à l’esprit une réflexion. Quelquefois on m’a demandé si Notre Dame, à l’une des apparitions, nous avait indiqué quelle sorte de péchés offensait davantage Dieu. D’après ce que l’on dit, Jacinthe, à Lisbonne, a nommé le péché de la ‘chair’ (13). Comme c’était une des questions qu’elle me posait quelquefois, je pense maintenant qu’elle l’a peut-être aussi posée à Notre Dame, à Lisbonne, et que Celle-ci le lui a indiqué.
5. Le Cœur Immaculé de Marie
Bien, Excellence, il me semble avoir déjà dévoilé la première partie du secret.
La seconde se rapporte à la dévotion au Cœur Immaculé de Marie.
J’ai déjà dit, dans le second écrit, que Notre Dame, le 13 Juin 1917, m’assura que jamais Elle ne m’abandonnerait et que son Cœur Immaculé serait mon refuge, et le chemin qui me conduirait à Dieu. Ce fut en prononçant ces paroles qu’elle ouvrit les mains et fit pénétrer dans notre poitrine le reflet de lumière qui en sortait. Il me semble que, ce jour-là, ce reflet avait pour but principal de mettre en nous une connaissance et un amour spécial envers le Cœur Immaculé de Marie (14) ; de même que les deux autres fois, il avait eu ce même but, mais par rapport à Dieu et au mystère de la Très Sainte Trinité. Depuis ce jour, nous sentîmes au cœur un amour plus ardent envers le Cœur Immaculé de Marie. Jacinthe me disait de temps en temps :
– Cette Dame a dit que Son Cœur Immaculé serait ton refuge, et le chemin qui te conduirait à Dieu. N’aimes-tu pas cela beaucoup ? Moi, j’aime tant Son Cœur, Il est si bon !
Après qu’au mois de juillet, dans le secret, comme je l’ai déjà exposé, Elle nous eût dit que Dieu voulait établir dans le monde la dévotion à Son Cœur Immaculé, que, pour empêcher la guerre future, Elle viendrait demander la consécration de la Russie à Son Cœur Immaculé ainsi que la communion réparatrice des premiers samedis, Jacinthe disait, quand nous en parlions entre nous :
– Je regrette tellement de ne pouvoir communier en réparation des péchés commis contre le Cœur Immaculé de Marie !
J’ai dit aussi comment Jacinthe avait choisi, parmi les prières jaculatoires que le Père Cruz nous avait suggérées, celle de « Doux Cœur de Marie soyez mon salut » ! Quelquefois, après l’avoir dite, elle ajoutait avec cette simplicité qui lui était naturelle :
– J’aime tellement le Cœur Immaculé de Marie ! C’est le Cœur de notre petite Maman du Ciel ! N’aimes-tu pas beaucoup répéter souvent : Doux Cœur de Marie, Cœur Immaculé de Marie ? Moi j’aime tellement cela, tellement !
Quelquefois, elle cueillait des fleurs des champs, et chantait, avec une musique qu’elle inventait elle-même en même temps :
« Doux Cœur de Marie, soyez mon salut, Cœur Immaculé de Marie, convertissez les pécheurs, sauvez les âmes de l’enfer ».
(4) On note qu’il s’agit d’un unique secret qui comporte trois parties. Ici, Lucie décrit les deux premières. La troisième fut écrite le 3 janvier 1943 et fut publiée le 26 juin 2000.
(5) Lucie décrit, avec beaucoup de détails, la vision qu’elle eut de l’Enfer.
(6) La grande promesse du Salut, dans le Message de Fatima, apparaît plusieurs fois liée à l’intercession du Cœur Immaculé de Marie.
(7) Il s’agit de la Première Guerre Mondiale (1914-1918).
(8) Lucie confirma, une fois de plus, expressément, le nom du Pape Pie XI. A l’objection que le commencement de la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) aurait été sous le Pontificat de Pie XII, elle répondit que l’occupation de l’Autriche, en 1938, fut le vrai commencement de la guerre
(9) Lucie accepta que l’extraordinaire aurore boréale dans la nuit du 25 au 26 janvier 1938, fut le signal de Dieu pour le commencement de la guerre.
(10) Cette « promesse » de « revenir » s’accomplit le 10 décembre 1925, quand Notre Dame apparut à Lucie à Pontevedra (Appendice I). Le 13 juin 1929 Elle demanda à Lucie, à Tuy, dans une vision, la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé.
(11) Sœur Lucie confirma personnellement, que l'acte solennel et universel de consécration du 25 mars 1984 correspondait à ce que Notre Dame voulait « Oui, cela a été fait, comme Notre Dame l'avait demandé, le 25 mars 1984 » (lettre au Saint Père du 8 novembre 1989). C'est pourquoi, aucune discussion ou pétition ultérieure n'est pas fondée.
(12) Cette promesse est inconditionnée, sûrement elle s’accomplira. De fait, nous ne connaissons pas le jour où elle se réalisera.
(13) Il est vrai que Jacinthe, vu son jeune âge, ne savait pas pleinement ce que signifiait ce péché. Mais cela ne veut pas dire que, avec sa grande intuition, elle n’avait pas compris son importance.
(14) L’amour du Cœur Immaculé de Marie était, selon Lucie, comme une ‘Vertu infuse’ qui lui a été donnée.
Texte extrait des Mémoires de Soeur Lucie (ci-dessous) p. 127-132.
Appendice I : voir p. 199-202